La faille - Aliénor de Bonta(Partie1)

varfendell Messages postés 3256 Date d'inscription jeudi 27 décembre 2007 Statut Membre Dernière intervention 8 février 2020 - Modifié par Varfendell le 26/07/2012 à 16:34
varfendell Messages postés 3256 Date d'inscription jeudi 27 décembre 2007 Statut Membre Dernière intervention 8 février 2020 - 30 juil. 2012 à 10:19
Bonjour,

Voici un écrit dont nous (mon frère et moi) aimerions avoir vos avis.
L'histoire est en cours de développement et s'appuie sur un monde imaginaire que certain reconnaitrons.

Voici les deux premiers chapitres de la partie 1 (je mettrais chaque jour un nouveau chapitre à la suite du topique):

La faille

« Le monde des 12...
Une terre dont la magie coule dans les veines de ses habitants comme un torrent en crue. Composée de douze races à l'image de leur dieu, elle possède une connexion unique avec un univers, l'Autre Monde, et de mémoire d'hommes existent trois lois qui ne peuvent être transgressées.
Première loi : Naissance, vie et mort sont régies par la connexion
Seconde loi : Les mondes sont infranchissables
Troisième loi : L'obéissance et la soumission totale doivent être dues à l'Autre Monde. »


Extrait du livre du Rêveur Eveillé

Première partie


Aliénor de Bonta

L'Antique

Ma conscience s'éveille et vient disperser mon néant. J'ouvre les yeux, puis les plisses pour m'habituer à la luminosité des plaines de Cania. Mon regard explore les alentours. Quelques troupeaux de kanigrous somnolent sous le soleil de ce début d'après-midi. L'air est lourd, chargé de la musique cuivrée des serpentins cachés à l'ombre des nombreux rochers. Mais ici, aucun arbre pour m'abriter. Quelque chose retient mon attention, je me redresse et hume l'air. Il n'y a pas de vent. Rien, absolument rien ne bouge, je me croirais dans un mauvais western. Soudain je comprends. En un éclair je sors mes dagues et brise d'un coup le sort qui m'entourait. La trame du temps se déchire sous ma lame et je le sens s'engouffrer autour de moi avec la fraicheur de l'eau des fleuves de Pandala. Le sentir tourner à nouveau est si grisant que j'en oublie un instant avoir fait l'objet d'un ensorcellement. Je me concentre et entends distinctement le son d'un sort de fuite que l'on répète à court intervalle. Zap, zap, il tourne autour de moi, zap, il se rapproche. Je pivote et, dans un demi-tour parfait, lance ma dague devant moi, m'accroupie en invoquant un piège d'immobilisation, puis me cache d'un bond derrière un rocher. Je n'entends pas le bruit caractéristique du déclenchement de mon piège. J'attends ce qui me semble une éternité et, me redressant prudemment, vais récupérer ma dague à petites foulées. Une ombre découpe mon profil dans mon dos. Elle tient un énorme marteau levée au-dessus de sa tête.
Un cri de victoire.
« -Je t'ai eue !
-Non l'Antique, je t'ai eue. »
Ma seconde dague est bien calée entre ses omoplates, prête à découper le tissus et plus. Son marteau s'abat et mon double disparait dans une fumée blanche.
« -Bouse, un double ! Toujours aussi agile la Sombre » Son sourire se devine sous ses nombreuses bandelettes grises. Vêtu d'un simple chapeau bleu et d'une tunique de la même couleur au centre de laquelle trône l'étoile de son ordre, je perçois sa frustration, mais sa joie aussi.
« - Tu m'a manqué » Lâche-je dans un souffle en rangeant mes dagues.
« -Toi aussi, mais j'apporte de grandes nouvelles, dont certaines pourraient t'intéresser.
-A ton odeur tu reviens de Frigost n'est-ce pas ? »
Il rit.
« -Je ne pourrais vraiment rien te cacher, effectivement, j'en viens et je savoure d'autant plus la chaleur de notre vieux continent.
-Je n'aime pas que tu ailles là-bas seul, tu le sais, c'est dangereux, on parle de Déchus qui s'y cacheraient.
-Justement, c'était le but de mon expédition, j'en ai suivis quelques-uns jusqu'au village enseveli. Je cherche à comprendre ce qui les motive mais j'ai besoin d'aller me renseigner pour cela.
-Le Maitre Corbac.
-Le Maitre Corbac oui. Sa bibliothèque est la plus ancienne de tout Amakna, je devais m'y rendre avant de te croiser. »
Je perçois sa demande avant qu'il ne la formule. Bien sûr que j'accepte de l'accompagner, faire la route ensemble sera plus agréable et puis, j'ai le sentiment de devoir le suivre, comme un besoin urgent de voir où ça me mènera. Je porte ma main à ma bourse, sort deux potions de rappel, le lui en donne une puis, après l'avoir bue ensemble d'un coup, nous nous évaporons vers d'autres contrées dans un nuage de fumée blanche.
A cinq lieues de là, perchés sur un rocher, deux yeux aussi jaune et perçant que ceux d'un faucon se fendillent pour observer la scène puis, quand le dernier nuage de fumée blanche a disparu, se tournent vers le sol.
« -Ils viennent de partir, le Pâle, je ne sais où mais la Sombre avait l'air préoccupée par ce que lui a dit l'Antique. »
Les yeux s'adressent à une silhouette repliée et adossée à la roche, la tête penchée sous son torse et couverte par un bonnet noir noué à l'arrière de son crâne. Il se relève avec une lenteur voulue et provocante et de sa bouche une voix douce et froide s'élève.
« -Ne t'en fait pas, je sais parfaitement où ils sont partis. Mais il n'est pas encore temps d'intervenir. Quand le moment sera venu, elle aura son rôle à jouer. »
Il s'engouffre à la suite des deux yeux dans un portail ne laissant derrière lui qu'une plume noire qui volète délicatement le temps d'un instant avant de se poser et se coller à une flaque rouge.

Rouge sang.

Le Déchu

La potion nous avait déposés non loin du cimetière de Bonta, où pullulaient chafers et autres ribs féroces. Tandis que nous longions cette zone, récupérant de temps à autres blops et biblops qui venaient nous rafraichir agréablement, l'Antique me racontait son voyage sur Frigost.
« -Tout a commencé il y a un mois, à la taverne du village d'Amakna. Je buvais mon jus de bouftou, l'oreille attentive aux commérages des clients quand un individu a retenu mon attention. Il n'avait rien de particulier et sa démarche n'était en rien remarquable. Pour une personne vivant sur ces terres ce surplus de normalité est tout sauf habituel. Aussi je l'ai regardé entrer et s'assoir à une table. Sa capuche marron m'empêchait de distinguer son visage mais je l'entendais murmurer faiblement. Intrigué, j'ai discrètement lancé un sort de vol temporel afin de dérober et d'enfermer ses paroles. »
Nous nous arrêtâmes un instant dans la plaine et je le vis sortir de son sac une petite pierre bleue qu'il s'empressa de poser à terre en marmonnant des invocations. Aussitôt des faisceaux lumineux turquoise jaillirent de la pierre et vinrent s'assembler à notre hauteur pour dessiner une table, un individu, la taverne. Une voix s'éleva de la projection, hachée et triste.
« -Non, non, je dois disparaitre, ne pas l'écouter. Ne pas l'écouter ? Mais ses paroles sont si douces, et il m'a promis. Je dois partir, le village, Frigost, maintenant. Si je fais ça je serai banni, maudit. Maudit, c'est eux qui le sont, j'ai le droit, le droit de vivre. Mais Il l'a dit, celui qui vient du village mort, je ne pourrais pas le faire.
Je n'arrivais pas à comprendre le sens de ses mots.
« -Visiblement la raison a abandonné cet homme, ses mots sont aussi vides que son esprit.
-Je ne les ai pas saisis non plus, mais il m'avait suffisamment intrigué pour que je décide de le suivre lorsqu'il sortit de la taverne. Je pris soin de lui poser un mouchard pour ne pas le perdre s'il venait à prendre une potion puis, à distance respectable, j'empruntais ses pas. Nous errâmes ainsi des jours durant, parcourant l'étendue du continent, des landes de Sidimote aux champs de Bonta, des rivages de Sufokia aux marécages sans fond de la montagne des koalaks. Il s'arrêtait de temps en temps pour pleurer, recroquevillé sur lui-même. C'était un être vaincu, qui souffrait à chacun de ses pas, se battant contre lui-même pour continuer à vivre. Puis, un matin, il s'est levé, a pris une potion et a disparu du continent. Mon sang n'a fait qu'un tour, j'ai saisi les coordonnées de ma puce moucharde et je l'ai suivi sans regarder où j'allais atterrir. Ce fut le blizzard glacé de la Crevasse Perge qui m'accueillit. J'étais donc sur Frigost, la terre de tous les dangers, le fief du comte Harebourg. Je ne voulais pas renoncer maintenant, mais je sentais néanmoins que je m'engageais sur un terrain qui pouvait, à terme, me détruire. Bravant mon intuition je suivis alors mon mystérieux compagnon involontaire à travers les étendues glacées de la crevasse durant une semaine pour arriver au Village Enseveli. Là j'observai un étrange rituel. L'homme, vaincu par sa folie, s'évanouit devant l'entrée du village. Aussitôt, des dizaines de personnes s'approchèrent de lui, marmonnant dans un langage inconnu. Puis l'une d'elle a saisi sa lame et l'a plongé dans le torse de l'inconnu inconscient. Ce qui me fut donné de voir à ce moment-là me glace encore le sang. De sa plaie s'échappa des fantômes qui hurlaient plus fort que la tempête, l'homme s'était redressé, toujours évanoui et, se cambrant les bras en arrière, hurla de douleur. Un cri insupportable qui dura ce qui me semblait être une éternité. Quand le dernier fantôme eu quitté son corps, l'homme s'effondra dans les bras de son tortionnaire qui l'emmena aussitôt dans la maison la plus proche. Le reste de la foule se dispersa en silence et il ne resta bientôt plus que la neige rougie pour témoigner du drame qui venait de se dérouler sous mes yeux. Assis contre un arbre, je pris le temps de réfléchir à ce que je venais de voir et, plus le temps passait, plus je me convainquis que ce qui s'était déroulé était la naissance d'un Déchu, et que le village en était infesté. Je décidais alors de rentrer et de chercher la réponse à mes questions dans les livres de la bibliothèque du Maitre Corbac. »
Je ne parlais pas tout de suite. Je tentais de comprendre, d'assimiler ce qu'il venait de me raconter. Je n'avais jamais entendu parler d'un tel rituel auparavant.
« -Effectivement, la réponse ne peut se trouver que dans les livres, espérons que le propriétaire nous laissera le temps de les feuilleter.
-Ne t'inquiète pas, ce vieux corbac m'en dois une depuis longtemps, c'est l'occasion de régler nos dettes. »
Nous marchâmes le reste de l'après-midi en silence. Je devinai plus que ne perçut un changement dans l'air alors que nous approchions de la tanière du Maitre Corbac.
« -Attention l'Antique, il se passe quelque chose de ne pas naturel ici, je n'entends pas le chant des corbacs. »
Il parut inquiet, me demandant de forcer le pas. C'est donc en courant que nous sommes arrivés sur le territoire des corbacs. Ce que nous vîmes m'horrifia. Des centaines de cadavres jonchaient le sol, démembrés, explosés, et déjà en train de pourrir sous la chaleur du soleil. L'air sentait la haine, puait le sang et la mort. Ne pouvant supporter toute cette horreur, je vomis mes tripes le long d'un arbre.
L'Antique sut garder son sang-froid mais je sentis la transpiration perler sous ses bandelettes. Sans un mot nous avançâmes au milieu du carnage vers la bibliothèque du maitre de ces lieux. A l'intérieur, l'air était plus étouffant encore. Le sang des animaux avaient souillé les salles, éclaboussant les livres, tapissant les murs et les étagères. Je maudis trois fois l'auteur de ces atrocités. Nous commençâmes à chercher le Maitre Corbac dans les salles quand un bruit attira notre attention. L'Antique m'attrapa le bras.
« -Arrête-toi ! J'ai entendu un souffle. Il y a quelque chose qui vit encore et qui n'est pas loin. »
Avec prudence nous approchâmes de la salle d'où venaient les râles. A l'intérieur je vis une immense cape blanche ornée d'une croix rouge, penchée sur ce qui semblait être le Maitre Corbac. Nous voulûmes nous précipiter mais une volonté nous terrassa. Les genoux à terre, je ne pouvais pas me redresser. A ma droite l'Antique luttait pareillement pour s'échapper de la puissance mentale qui nous maitrisait. Je réussi à relever la tête vers l'homme qui, agenouillé contre le Maitre Corbac, nous tournait le dos. Un genoux à terre, il se releva, puis se retourna. Il portait une cuirasse dorée sur laquelle se reflétaient d'étranges symboles chatoyants, sorts de protections et de défense. Sur son gant droit était gravé en lettre d'argent « Divin » et sur le gauche « Rédemption ». A sa ceinture pendait une épée aussi longue que ses jambes et dont le fourreau luisait d'une dangereuse lueur bleutée. Je réussi à distinguer le commencement d'un arc à lamelle dans son dos avant que ses yeux ne rencontrent les miens. D'un bleu océan, ils étaient sombres, enfoncés, et terriblement hypnotiques. Je sentais qu'il me fouillait tandis que je ne pouvais me détacher de ce regard. Enfin il se désintéressa de moi. Sa figure coupée à la hache était veille, calleuse, et une fine barbe blanche coulait le long de ses joues et de son menton. Il ouvrit la bouche. Sa voix fut comme un supplice et un plaisir à la fois. Elle emplit ma tête, hurla dans mon esprit.
« -Au nom de la Voix du Nord je vous sommes de me révéler vos intentions ! ».
Je restais figée, paralysée par sa puissance. Je réussi à entendre la voix de l'Antique avant de m'évanouir.
« C'est...le Héraut du Nord ».
Je perdis connaissance.



En espérant que cela vous plaise, je tiendrais ce topique à jour en ajoutant les nouveaux chapitres.

Je me promène avec mon smourbiff poilu. Vuivui, vous avez bien compris, il a des poils.

2 réponses

varfendell Messages postés 3256 Date d'inscription jeudi 27 décembre 2007 Statut Membre Dernière intervention 8 février 2020
27 juil. 2012 à 09:48
Le Héraut du Nord

Je me réveille avec lenteur, les membres engourdis. Mes sensations me reviennent peu à peu. Je suis allongée dans ce qui semble être une chambre vétuste, sur un lit de paille. Je me redresse. La chambre s'avère être la pièce principale d'une chaumière forestière.
« -Ha, vous vous réveillez enfin. Je me retourne, la voix provient du Héraut du Nord, attablé dans un coin de la pièce. La sensation est différente de notre première rencontre, je me sens en sécurité. Il reprend.
« -Veuillez excuser la brutalité de notre première rencontre, de dramatiques circonstances m'ont fait perdre le contrôle.
-Le Maitre Corbac...
-Il est mort. Je n'ai rien pu faire pour le sauver, celui qui a fait ça a bien fait les choses.
-Comment ?
-Comment ai-je sus ? J'inspectais les bois de Litneg pour recenser les troolls quand j'ai perçu de sourdes vibrations dans l'air. Le temps de les localiser le tueur s'était déjà envolé. Lorsque je suis arrivé je n'ai eu que le temps de contempler l'horreur de la situation et l'état du Maitre Corbac avant que vous n'arriviez. La suite vous la connaissez.
Je tentais de remettre mes idées en place. Le carnage, la rencontre et...
« -L'Antique, où est-il ? Demandais-je anxieuse.
« -Il a disparu lorsque je me suis relevé, juste après que vous vous soyez évanouie, un sort de téléportation, il a dû prendre peur. Je n'en sais pas plus, ni sur lui, ni sur la raison de votre venue.
En faisant le clair en moi je me remémorais ce que l'on racontait au sujet des Hérauts. Gardien de la paix sur le continent, ils étaient quatre, à chaque point cardinal, à protéger les habitants d'Amakna des différents dangers qui les guettais. Ils sont choisis parmi les guerriers les plus puissants de ce monde par l'intendant de Bonta lui-même. Paladins chevalier de l'ordre, les inscriptions sur leurs gants sont là pour rappeler à qui ils doivent obéissance mais aussi qui leur donne le pouvoir de rendre justice. Que le Héraut du Nord se soit rendu dans la tanière du Maitre Corbac ne pouvait signifier qu'une chose : de terribles événements s'ourdissaient. Je pris le parti de lui narrer toute l'histoire, les Déchus, le livre, Frigost. Lorsque j'eu fini il se leva et pris la parole.
« -Ce que tu me dis-là m'inquiète au plus haut point la Sombre. Ce que ton ami et toi cherchiez a surement été dérobé par l'individu, ou les individus à l'origine du massacre des Corbacs. Lorsque je suis arrivé près du Maitre Corbac agonisant j'ai remarqué qu'il serrait des fragments de pages, surement le livre convoité qu'il protégeait. Hélas, après les avoir lues à maintes reprises je n'arrive toujours pas à en comprendre le sens.
Je me levais puis, avisant les parchemins sur la table, m'emparais d'eux pour les lires.
« Quand le premier né descendant[ ...] rencontra le premier mort [...] alors s'ouvrira l'OEil interdit et [...] ce qui conduira cette terre dans le néant. Ainsi parle le Rêveur Eveillé.
« -Quel est cet homme, le Rêveur Eveillé ?
-C'est une vieille légende, presque une fable qui ne rencontre guère plus de succès aujourd'hui. Il est dit que dans des temps immémoriaux, les Premiers Nés avaient la connaissance du monde et de ses limites. Pour ne pas succomber à la tentation d'obtenir par cette connaissance un pouvoir immense, ils en scellèrent le secret en eux même et se le transmirent par différents codes complexes. Nul ne sait ce que contient en substance le secret des Premiers Nés, beaucoup parlent de magie infinie ou d'immortalité. Ce qui m'intrigue c'est que certaines légendes racontent une histoire à propos d'un OEil aux pouvoirs immenses, faisant étrangement penser à cet OEil interdit. Le mythe veut qu'aux premiers jours du monde, une connexion s'est faite entre notre monde et un autre univers. Liés et dépendants la séparation était cependant absolue. Seul l'OEil permettait de voir de l'autre côté. Mais ce ne sont que de vieilles histoires que les Enutrofs racontent les soirs d'hiver.
-Imaginaire ou pas, il semble qu'une personne croit en la véracité de cette fable, et voudrait bien en savoir plus sur le sujet. C'est d'autant plus préoccupant qu'elle semble s'être liée aux Déchus.
Le Héraut du Nord sembla réfléchir un temps. J'en profitais pour rassembler les fragments de ce que nous savions. Une vieille légende prophétique parle de mondes et d'OEil, un homme qui rassemble les Déchus sur Frigost. Soudain une phrase me revint en mémoire.
« -Sais-tu ce qu'est le village mort ? Dans sa folie, un homme que l'Antique a rencontré en a parlé comme d'un endroit à éviter.
-Le village mort... Oui, mais il y a bien longtemps que je n'ai pas entendu ce nom. C'est un des premiers villages de ce monde. Il y a des siècles de cela, un démon a lancé une terrible attaque dessus et tous ses habitants ont été sauvagement assassinés, une véritable boucherie. Suite à cela les races se sont regroupées en Amakna au sein du château des premiers rois. Aujourd'hui abandonné aux gobelins et bworks, le village mort est plus connu sous le nom de Gisgoul, le village dévasté.
Gisgoul... De nombreuses légendes, terrifiantes pour la plupart, circulent encore à son sujet. Et si la réponse était cachée dans ces ruines ?
« -Il faut que je m'y rende, je dois comprendre ce qui se trame.
-Prends garde à toi la Sombre, Gisgoul n'est pas un endroit d'où l'on revient indemne. Et je ne pourrai t'accompagner, je dois contacter les trois autres hérauts pour prendre des mesures et discuter de ce qu'il vient d'arriver. Si l'on peut trouver des réponses là-bas notre ennemi aura surement pris soin de placer de grandes protections.
-Je serais prudente. Mais je dois me mettre en route dès à présent car le temps joue contre nous. Merci d'avoir été là pour les derniers instants du Maitre Corbac. Que Sram te bénisse
Tandis qu'il apportait sa bénédiction sur mon périple je rassemblais le peu d'affaire que j'avais et, sortant de la maison, pris la direction du sud. Je ne pouvais pas utiliser de potions ici car sur la terre où je me rendais suintais encore la corruption des démons qui pervertissait toute magie.
Le soleil n'arrivait pas à percer la couche de nuages qui assombrissait le ciel et donnait à la pièce un aspect gris et triste. Le Pâle s'avançait entre les colonnes immenses et sombres de la pièce. Arrivé devant l'homme qui se tenait assis sur un trône de glace et de fer il posa un genou à terre et inclina la tête.
« -Elle est en marche maitre. J'ai peur qu'elle ne sache pour la prophétie.
L'homme assis sur le trône regarda par la fenêtre à sa droite, son regard semblant traverser la distance pour venir s'abimer sur le mont enneigé que l'on devinait au loin.
« -Tu m'a bien servi. Va rassembler les Déchus, car le temps est bientôt venu.
-Bien maître
Le Pâle disparu dans un nuage de fumée blanche. L'homme assis regardait toujours vers la montagne, vers l'avenir.


La suite demain.
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varfendell Messages postés 3256 Date d'inscription jeudi 27 décembre 2007 Statut Membre Dernière intervention 8 février 2020
30 juil. 2012 à 10:19
Gisgoul


Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis le meurtre du Maitre Corbac et ma rencontre avec le Héraut du Nord. Je me rapprochais inexorablement des sombres landes de Sidimote et du village de Gisgoul, ne m'arrêtant que pour manger et dormir. Un sombre pressentiment m'obligeait à forcer le pas, courant en longues foulées au travers des champs, des plaines et des paysages rocailleux de Cania. J'évitais soigneusement les rares animaux que je croisais afin qu'ils ne m'agressent pas inutilement. Enfin, après deux semaines de voyage, j'aperçu au loin le village dévasté qui sombrait doucement dans la fraiche pénombre d'un début de soirée. Je ralentissais le pas, attentive aux moindre bruits, le regard aux aguets, quand je distinguai une silhouette, qui ne m'était pas inconnue, s'approchant de moi.
« -L'Antique ! » Criai-je en faisant de grands signes, joyeuse et soulagée de retrouver mon vieux compagnon. « L'Antique ! C'est incroyable, que fais-tu ici ?
-Je me suis dit que mon amie aurait grand besoin d'aide pour fouiller cet endroit
-Mais comment as-tu su ?
-Après m'être enfuis du repère du Maitre Corbac je me suis rendu à la cour de l'intendant de Bonta, pour tenter de m'éclairer auprès des bibliothécaires royaux. Mais je n'arrivais à rien et désespérerais de trouver lorsque le Héraut du Nord, que j'avais pris pour un ennemi, est arrivé pour s'entretenir avec l'intendant. Le reconnaissant nous avons discutés et il m'a raconté la situation. Je suis parti aussitôt à ta rencontre, et me voilà.
-Alors tu es au courant pour les fragments ?
-Oui, et j'espère trouver les réponses rapidement pour ne pas trainer longtemps dans ce nid de bworks et gobelins. »
Nous nous mîmes aussitôt en marche, je lui racontais mon voyage, mes théories sur ce qui se passait et lui les siennes. Enfin nous arrivâmes aux portes du village. La puanteur du démon nous frappa d'un coup, nous prenant aux tripes et à la gorge. La terre était maudite, flétrie et stérile à jamais. Alors que nous avancions prudemment dans le village, je remarquais les maisons vides tombant en ruine, la mousse des pavés, morte et noircie. A l'intersection d'une ruelle je m'arrêtais brutalement et retint mon compagnon.
« -Du bruit. Dans la rue de droite. À 150 mètres environ. »
Je nous rendis invisible et, à pas feutrés nous nous approchâmes de la source du bruit. Deux énormes bworks vert se tenaient devant une imposante porte en bois, entrée principale d'une tour gigantesque. Ils avaient sur la tête un casque dont la visière laissait entrevoir un unique oeil rouge lumineux, et en lieu et place du bras droit une prothèse en ferraille, mauvaise reproduction du membre qui leur manquait. La puanteur qui se dégageait de leur corps nous donna la nausée.
« -Des cybworks à Gisgoul, que font-ils si loin de la grotte du Bworker ?
-Je n'en sais rien ma chère, mais je parierai mon chapeau que nous touchons au but. Il faut se débarrasser d'eux et grimper au plus vite dans cette tour. La nuit ne va pas tarder à arriver, et avec elle les légions de gobelins et bworks. »
Si les Cybworks font partis des créatures les plus dangereuses des terres d'Amakna à cause de leur bras mécanique capable de broyer tout ou presque, ce sont aussi sans doute les monstres les plus stupides de la création. Je m'approchai furtivement de l'un deux et lui rabattis sa visière sur la tête puis le plaça face à son acolyte.
« -Bob je vois plus rien Bob. Pourquoi tu m'as rendu aveugle ?
-J'y suis pour rien John. Ta visière a glissé. Attends, je vais la remettre en place.
-Haaaa ma tête ! T'a utilisé ton bras mécanique Bob, t'es con ou quoi ?
-M'insulte pas, sinon j'appelle maman.
-Ca fait vachement mal, regarde »
Les Cybworks commencèrent à hausser la voix, se bagarrer, puis franchement se taper dessus. Ce qui devait arriver arriva, ils se mirent K.O. mutuellement d'un coup de bras mécanique sur le crâne.
« -Quelle technique ! Décidément la Sombre, tu deviens plus sournoise de jours en jours. »
Je lui fis une petite moue en penchant la tête, lui tira la langue et entra dans la tour. Tandis que nous montions les escaliers je me concentrai pour repérer d'éventuels gardes. Mais, à ma grande surprise, la tour semblait déserte.
« -Pourquoi faut-il toujours que la salle principale d'une tour se trouve à son sommet » se plaignit l'Antique essoufflé.
« -C'est bon pour toi, vieux crouton. À force de te téléporter tu as oublié comment marcher. »
Je ris de bon coeur en tentant d'esquiver ses coups de marteau rageur.
« -Ha, enfin arrivé. Je n'en peux plus de monter les marches. Attends un peu que je reprenne mon souffle. »
Tandis que mon compagnon s'asseyait quelques instants, j'explorais l'ultime étage de la tour de Gisgoul. Elle était plus large à son sommet, mais tout aussi circulaire qu'à sa base. À son dernier palier un court couloir donnait sur trois portes en bois sombre. Le peu de luminosité dont bénéficiait cet étage m'obligeait à plisser les yeux pour me repérer. Je fis le vide en moi pour choisir la porte à ouvrir et, me laissant mouvoir par mon intuition, posa ma main sur la poignée de la porte de droite et l'ouvrit.
A l'intérieur ne se trouvait pas une bibliothèque comme je m'y attendais, mais un seul livre, posé sur une table en bois simple dans le coin gauche opposé à la porte. Etonnamment, la salle était rectangulaire, de taille moyenne, et dénudée. Très dénudée. Il n'y avait en tout et pour tout que cette table, la fenêtre, au centre du mur face à moi, qui laissait entrevoir les dernières lueurs du soleil couchant et une chaise en dessous d'elle. Sur laquelle était assis un Bwork regardant à l'horizon. Il était taillé comme un clou, tout en nerf, les bras posés sur le dossier et les jambes de part et d'autres de la chaise. Torse nu, je pouvais contempler de nombreuses cicatrices qui zébraient sa chair verte. Ses cheveux, mi- long, étaient tenus en arrière par une bandelette de tissus blanc. Enfin il avait pour seul vêtement un ample pantalon en tissu de couleur jaune dont la moitié droite manquait. Je remarquais l'éclat maléfique de deux lames en demi- lune posées à droite et à gauche du personnage qui me tournait le dos.
« -Le Bworker. » Je sursautais. L'Antique m'avait rejoint et observait la scène avec moi. « -Que fait-il si loin de sa tanière ? Je crois que nous touchons au but. Hélas je crains qu'il ne soit pas aussi aisé à vaincre que les deux gardes de tout à l'heure.
-Que sais-de lui l'Antique ?
-C'est le chef de guerre de la tribu des bworks de Sidimote. On le dit invaincu et sans pitié. C'est un combattant hors norme et un stratège aussi perfide que dangereux. Il se déplace vite, très vite, surement plus rapidement que toi ou moi. Ses lames sont capables de trancher n'importe quelle armure et ses attaques sont redoutables. C'est un Berserker, aussi sa force augmente avec ses blessures. À deux et sans personne pour nous soigner à proximité c'est à la limite du suicide. »
Tandis que je l'écoutais je vis le Bworker se lever, toujours face à la fenêtre, s'étirer, ramasser ses lames et se retourner.
« -Je vous attendais. »
Je compris à temps qu'il ne nous laisserait pas de temps et ne s'encombrerait pas de présentations.
« -Attention ! » Je poussai l'Antique quelques secondes avant que le Bworker s'élance, il parcouru la salle si rapidement que j'eu du mal à le voir et, sans mon intervention, ses lames auraient trouvées le sang de mon ami. À la place elles furent stoppées par mes dagues. Sous la violence du choc je ne pus réprimer un cri. Mes bras étaient aussi tendus qu'un arc des archers de Bonta. De violents spasmes parcouraient mes muscles mais je tenais bon devant la débauche de puissance dont le Bworker faisait preuve. Nous nous jaugions du regard, je perçu son envie de sang, sa soif de combattre, mais aussi son étonnement devant ma résistance inattendue. Il se fendit d'un pas en arrière, attaqua ma garde avec la même incroyable vitesse. Je parai d'une dague, attaqua de l'autre, mais il était plus rapide.
« -La Sombre, maintenant ! » Pendant que je résistais à l'assaut du guerrier vert, l'Antique avait eu le temps d'invoquer un sort de ralentissement. Les coups du Bworker se firent plus espacés. Je profitai de ce répit pour invoquer un piège d'immobilisation et, d'un puissant coup de pied latéral, l'envoya dedans. Ralenti, presque immobilisé, ce fut mon tour d'attaquer. Je concentrai ma magie dans mes dagues, calai les pulsions de mon coeur sur celles de ma magie et, ainsi chargée, attaqua. Mes dagues luisaient d'une lueur bleutée et un halo de la même couleur les entoura. Ma magie se propageai jusqu'à elles, rendant plus mortel encore le moindre contact avec ces lames. Le Bworker, saisissant l'urgence de la situation, mis ses épées en croix devant lui, prêt à parer mes attaques. J'arrivais à son contact, porta un coup d'estoc mais au dernier moment pivota et attaqua son flanc. Pris au dépourvu et ralenti par les sortilèges qui l'entouraient il ne l'esquiva pas et ma lame s'enfonça dans sa cote. Je me reculai tandis qu'il hurlait de douleur mais, loin d'être affaibli, je sentis sa puissance augmenter. Un bref regard du côté de l'Antique m'appris qu'il n'arriverait pas à le tenir bien longtemps dans sa bulle temporelle. Je repartis à l'attaque, redoublant d'effort pour percer sa défense, ne lui laissant aucun répit, le harcelant sans cesse et l'entaillant de toute part. Mais il semblait se réjouir de ce sang qui coulait le long de ses plaies. Sa vitesse et sa force prenaient des proportions gigantesques et je m'essoufflais. Soudain son poing s'abattit sur ma joue sans que je ne le voie venir, m'envoyant contre le mur. Je senti le gout du sang dans ma bouche. Profitant que je sois à terre il se dirigea vers l'Antique. Celui-ci fut obligé de stopper son sort et de se saisir de son marteau avant que les lames ne s'abattent sur lui. J'assistais, impuissante, à la défense désespérée de mon ami qui vacillait déjà sous les coups rapides du Bworker. À ce rythme nous allions bientôt perdre le combat.
J'eu soudain une idée. Elle devait marcher. Il fallait qu'elle marche. Je me relevais et repartis à l'assaut du Bworker.
« -L'Antique écoute moi ! ». Je parais les assauts du Bworker qui s'était de nouveau jeté sur moi et tentais d'expliquer mon idée à mon compagnon, blessé et amoindri. « À mon signal téléporte-toi derrière moi ! ». Je n'avais pas le temps de lui en dire plus. Je me concentrais comme jamais. Je devins ma magie, j'étais mes lames, mes coups étaient une extension de ma volonté. Je parais volontairement à droite et à gauche, laissant notre ennemi se mettre dos à l'Antique.
« Maintenant ! ». Je vis le temps freiner, ralentir, l'Antique se téléportait derrière moi au moment où le Bworker lançait un assaut particulièrement violent. Je me retournai, pivota et poussa l'Antique. Je puisais dans ma magie pour garder le sort de téléportation actif. Comme dans un rêve les lames du Bworker passèrent à quelques centimètres de ma peau et s'engouffrèrent dans le portail qu'avait ouvert l'antique en se téléportant. Alors, grâce au maintien du sort, elles traversèrent l'espace et le temps, se retrouvant de l'autre côté, dans le dos du Bworker, et le transpercèrent. Le Bworker s'effondra, ses lames en travers de son corps tandis que je sombrais dans l'inconscience, vidée de ma magie et de mon énergie.
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